A la veille des élections présidentielles françaises, le groupe Minerve, qui s’est constitué au printemps 2021, publie sa première tribune en forme d’appel à la mobilisation générale au profit de l’industrie aéronautique, spatiale et de défense. Face à une série de vents contraires (aviation bashing, pandémie et guerre en Ukraine), le groupe Minerve estime que l’industrie aéronautique a tous les atouts en main pour réussir à rebondir et réussir à développer des solutions lui permettant d’atteindre l’objectif zéro émission.
La pandémie de COVID 19 a eu un très fort impact sur le transport aérien ces deux dernières années, avec des conséquences brutales sur l’ensemble de l’industrie aéronautique. Ces effets sont venus s’ajouter à ceux générés par une campagne très critique de ce secteur d’activité, conduite par les promoteurs d’un monde « sans avions », à la recherche d’un sacrifice expiatoire contre le réchauffement climatique. Par ailleurs, la pénurie de matières premières et notamment de semi-conducteurs a cruellement affecté l’industrie des transports. Elle menace maintenant le secteur aéronautique. Enfin, la guerre en Ukraine risque de déstabiliser l’économie européenne et de pénaliser durablement les échanges internationaux.
Et en même temps, à la veille de la mise en place d’un nouvel exécutif en France, la campagne électorale conduite par les partis de tous bords, met clairement en exergue la nécessité de renforcer notre industrie nationale et de relocaliser de nombreux segments stratégiques, afin de dynamiser notre économie et de recouvrer notre indépendance stratégique.
L’avion restera incontournable dans les échanges mondiaux
En premier lieu, le monde a et aura un besoin incontournable de transport aérien notamment pour favoriser les échanges humains, seuls garants de la paix et d’un développement harmonieux. Le repli sur soi n’est pas une option. Le rapport Bénéfice/Coût, y compris sur le plan environnemental, lui est largement favorable, a fortiori avec des avions dont la performance énergétique et écologique s’améliore régulièrement et fortement. Ainsi, les avions de nouvelle génération consomment environ 25% de moins par passager que ceux produits au début de cette décennie (soit moins de 3l/100km par passager).
Néanmoins, la poursuite de cette amélioration dépend de plusieurs facteurs qu’il est urgent de prendre en considération, afin qu’Airbus reste le premier constructeur aéronautique mondial, au profit de l’ensemble de la filière sur le plan national et européen :
- Installer une filière de production de carburants alternatifs (SAF : Sustainable Aviation Fuel)
Entre quatre à cinq fois plus onéreux à produire à ce jour que le kérosène, ces carburants sont pourtant essentiels pour permettre à l’aviation de tendre vers l’objectif de zéro émission de C02, fixé par les accords internationaux. Compte tenu du caractère incontournable du transport aérien dans une économie globalisée, il convient de travailler à la fois sur la diminution de leur coût de fabrication,en industrialisant leur production pour augmenter les volumes et aussi sur les conditions de leur mise en œuvre systématique par les compagnies aériennes.
Cette nécessité passe inévitablement par le soutien de l’Union Européenne, non seulement pour le financement de filières compétitives européennes de SAF, mais aussi par le soutien aux compagnies aériennes, afin qu’elles soient en mesure de renouveler plus rapidement leurs flottes, avec des avions de nouvelle génération.
- Accélérer la Recherche et le Développement sur les nouvelles technologies
Nouvelles configurations, nouveaux matériaux, développement de la filière électrique et hybride pour l’aéronautique, batteries, piles à combustible, soutien aux start-ups et aux entreprises innovantes… et poursuite du développement de la propulsion à hydrogène. La recherche doit permettre sur le moyen et sur le long terme, de trouver les solutions technologiques qui permettront l’intégration de moteurs à hydrogène sur des avions de type moyen courrier ou de transport régional. Cette recherche passe par la mise en œuvre de démonstrateurs que notre pays doit nécessairement contribuer à développer avec le soutien de l’Union européenne.
A court terme les améliorations dans l’opération des avions, du contrôle aérien et des aéroports, conjuguées à la mise en œuvre rapide des SAF, permettront de réduire très significativement l’empreinte du transport aérien.
- Soutenir l’émergence des start-up de l’aviation décarbonée
L’aéronautique est le théâtre d’une vague d’innovations renouvelées, mobilisant son propre écosystème, ainsi que ceux de l’énergie décarbonée et du numérique. En complément des projets innovants des grands maîtres d’œuvres, de nombreuses startups industrielles innovent sur les segments d’entrée de la filière : avions hybrides électriques régionaux, taxis volants, chaînes de motorisation innovantes, drones, services…
Un environnement favorable doit être créé pour accompagner le passage à l’échelle de ces nouveaux acteurs. Une attention toute particulière doit être apportée au financement sur le temps long de ces aventures industrielles, dont le risque demeure significatif (fonds publics/privés adaptés). Un accompagnement en amont des autorités de certification devra aussi permettre une prise en compte des innovations tout en capitalisant sur l’expérience accumulée. Enfin, le dialogue autour de ces thématiques devra être le théâtre d’une collaboration renouvelée entre grands groupes aéronautiques, sous-traitants et start-up, afin d’innover tout en étant capables de vendre, produire et opérer, à l’échelle des enjeux.
- Accélérer la transformation numérique de la filière
Les programmes dédiés à l’industrie du futur et le développement de jumeaux numériques des produits, des entreprises et des opérations en service sont des initiatives fondamentales pour améliorer la compétitivité de la filière pour demain. Il est tout aussi essentiel d’accompagner et d’encourager dès aujourd’hui, la transformation de la filière aéronautique par l’intégration des données hétérogènes déjà disponibles et de rétablir la continuité numérique là où elle fait défaut.
De nombreux exemples témoignent de la possibilité d’amélioration à deux chiffres des opérations industrielles ou en service, grâce à la collecte et l’analyse de données, à la fois plus diverses et plus granulaires. Des disparités fortes peuvent être néanmoins constatées entre acteurs au sein de la filière française et la mise à niveau doit être une priorité collective.
- Organiser la réindustrialisation de la production des composants clés sur notre sol
La maîtrise des processus industriels et l’indépendance des constructeurs par rapport aux fournisseurs, impliquent l’implantation de pans entiers de notre industrie sur notre territoire. Cela concerne notamment les semi-conducteurs et certains composants principaux d’aérostructures. En sécurisant nos productions et la poursuite du développement de l’industrie aéronautique, cette stratégie garantira aussi le développement de l’emploi et des compétences sur des métiers à forte valeur ajoutée.
- Sécuriser nos approvisionnements en matières premières
La guerre en Ukraine pose de manière encore plus aiguë le problème de nos approvisionnements. C’est le cas pour l’énergie, l’agriculture et l’agroalimentaire, mais aussi pour l’aéronautique avec notamment la question cruciale de l’approvisionnement en titane. Il faut donc travailler urgemment à des alternatives, qu’elles concernent de nouvelles sources de matière première ou de nouveaux procédés technologiques qui nécessiteraient un soutien en R&D.
Par ailleurs, la pénurie de matières premières, qu’elle soit conjoncturelle ou structurelle, risque d’entretenir de nouvelles tensions internationales liées à l’offre et la demande.
- Considérer le caractère dual (civil et militaire) de l’industrie aéronautique
Dans un contexte de tensions internationales réactivées par les crises en Europe de l’Est et en mer de Chine, le retour des stratégies des puissances mondiales s’est accéléré ces dernières années. Il s’est notamment matérialisé à travers la remise en question de marché militaire entre la France et l’Australie, avec le rôle majeur en coulisse des Etats-Unis. Il convient donc de rappeler que l’industrie aéronautique civile contribue au développement de technologies applicables à l’industrie de défense… et vice versa.
Le soutien aux industriels de la filière doit être renforcé et durable pour que la France soit en position de force dans les coopérations industrielles et les partenariats nécessaires.
L’aéronautique, fer de lance de l’indépendance nationale
En conclusion, l’industrie aéronautique a prouvé par sa réussite qu’elle constitue un des fers de lance de l’économie européenne et de l’indépendance nationale. Elle aborde avec détermination les problèmes posés par l’instabilité mondiale, la pénurie de composants et le changement climatique. Les innovations seront très nombreuses. Elles nécessiteront des investissements considérables et donc un soutien de l’État et de l’Union Européenne. Les effets sur la formation, les compétences et l’emploi seront très positifs et ces sujets doivent rester au cœur du dialogue social dans l’ensemble de la filière.
L’aéronautique doit nécessairement contribuer à l’indépendance, ainsi qu’au développement durable de l’industrie française. Mais pour cela, l’industrie aéronautique qui est un pôle d’excellence français et européen doit être davantage soutenue, pour accélérer la recherche des solutions lui permettant d’atteindre l’objectif zéro émission. Elle en a les capacités humaines et technologiques, tout en apportant à chacun la capacité de se réaliser sur le plan économique, social et culturel.
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*Le groupe Minerve s’est constitué au printemps 2021 avec l’objectif de démontrer que l’industrie aéronautique est en mesure de proposer aux compagnies aériennes ainsi qu’aux passagers des avions vertueux sur le plan environnemental et capables de contribuer au développement d’un monde ouvert. Le groupe Minerve est composé de grands industriels et de personnalités ayant exercé dans cette filière.
Principal pourvoyeur d’emplois en France et en Europe, l’industrie aéronautique est structurée autour de grands maîtres d’oeuvre comme Airbus, Safran, Dassault et Thales ainsi que toute une filière de sous-traitants, des ETI aux start-up. Elle contribue au rayonnement économique et à l’indépendance de notre pays et de l’Europe, vis-à-vis des grandes puissances mondiales. Il s’agit pour le groupe Minerve de la promouvoir et de la protéger des vents contraires, qui prônent un monde sans avion. Composé de responsables industriels, économiques et sociaux, le groupe Minerve conforte ses convictions en auditionnant régulièrement les acteurs du secteur.
Le groupe Minerve :
Jean-Louis Chauzy : Président du CESER Occitanie
Fabrice Brégier : Président de Palantir France
Philippe Petitcolin : Président de PhPConsult
Marwan Lahoud : Associé de Tikehau Capital et Président de Tikehau ACE Capital
Marc Fontaine : Président fondateur d’InDHu
Christian Desmoulins : Académicien des Technologies
Charles Champion : Président de l’ISAE Sup Aéro
Jean-Paul Miquel : CEO Moustache Management Conseil
Alain Tropis : CEO AT Consulting
Gérald Lignon :ex-Directeur de site AIRBUS Saint-Nazaire
Donald Fraty : ex DRH Airbus France
Dominique Delbouis : Coordinateur FO Airbus Group
Bertrand Mendez : DSC FO AIRBUS Commercial Aircraft
Jean-François Knepper : Fondateur et coordinateur du groupe Minerve (Contact : knepper@wanadoo.fr)